Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/154

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Un jour, le bouc avait été vendu ; elle avait cessé de se déranger pour les gésines et s’était contentée de courailler les samedis de ferme en ferme, son cabas au bras, se faisant, de ce qu’elle ramenait en un jour, la nourriture d’une semaine. Les villageois la blaguaient bien un peu sur ses pratiques anciennes. Mais elle leur répondait plaisamment et passait son chemin, s’occupant uniquement d’alourdir son panier.

C’était devenu une habitude de lui donner. Elle se béquillait sur un bâton, courbée, geignant, traînant la jambe, très proprement vêtue toujours, avec des biglements d’yeux qui amusaient. On ne savait pas au juste si elle était pauvre ou à l’aise ; mais on donnait ; et à travers bois, quand personne n’était plus là pour la regarder, sa longue échine se redressait, sa jambe s’allongeait, elle gagnait sa masure, brusquement agaillardie.

L’accord s’était fait très naturellement entre elle et Germaine. Elle avait vu dans la cession de sa maison une manière de se montrer reconnaissante envers la fille des Hulotte, pour tout le bien que celle-ci lui avait fait. Puis, c’était un retour à une période lucrative de sa vie. Elle se rendait service en servant autrui.

Germaine n’eut besoin que de rencontrer Cachaprès chez elle une première fois, comme par hasard. Comme il pleuvait et qu’elle était arrivée trempée, la vieille lui avait allumé du feu, bavardant à son ordinaire et lui demandant des nouvelles de l’autre ; et tout à coup, ayant relevé la tête, elle avait aperçu derrière le carreau une haute silhouette :

— Entre, m’fils !

Puis, tandis qu’il passait le seuil, elle avait tassé du pied une charge de brindilles dans l’âtre, et l’instant d’après, avait tiré la porte sur eux.

Elle était revenue, au bout d’une couple d’heures, avec