Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/153

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Rupin : elle s’abattit de tout son corps sur le cercueil, voulant le ravoir, menaçant de ses poings les porteurs. Et tout doucement, à mesure que se haussaient les herbes sur la fosse du mort, les marques de consternation de la femme diminuèrent ; l’histoire s’enterra. La Cougnole mangea un peu mieux, seulement.

Elle avait beaucoup pratiqué un métier dans le temps. Elle veillait les vaches près de vêler, les aidant à mettre bas. Et, à force d’aider les bêtes, elle avait fini par aider les gens. Une expérience lui était venue en matière d’accouchements Des campagnardes la faisaient appeler encore quelquefois. Mais le garde champêtre ayant l’œil sur elle, la Cougnole ne travaillait plus que clandestinement, lorsque les femmes en mal d’enfant habitaient un peu loin.

Puis on avait eu vent d’une chose. Une fille de vingt ans, qui habitait un village à trois lieues de là, avait été soupçonnée d’une grossesse. Et tout à coup, sans transition, elle avait repris son ancienne minceur. Pas pour longtemps, il est vrai, car elle était morte au bout de cinq jours. On accusa Cougnole d’avoir été mêlée à cette affaire. Mais il n’y eut rien de positif, et la fille ayant emporté son secret avec elle, le tapage finit par s’assoupir, comme s’était assoupi l’autre.

Il était certain toutefois que la Cougnole n’était pas intacte. À ce métier louche de sage-femme, elle en joignait un autre, fabriquant des unions, et même, sans qu’il fût question de mariage, s’entremettant entre filles et garçons. En outre, elle avait longtemps possédé un bouc auquel on menait les chèvres des alentours, et cette animalité empuantissait sa maison d’une fétidité permanente. Elle faisait ainsi une sorte de commerce des choses de la nature, vivant de la lubricité des hommes et des bêtes.