Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/162

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Elle demeurait les yeux perdus, à regarder par-dessus la tête de son amant. Le silence de la petite maison, qui était comme un secret de plus sur leur tendresse, l’importunait, lui semblait horriblement pesant et vide. Il était obligé de lui répéter les mêmes choses. Elle l’écoutait à peine, avec un sourire machinal, ou bien fronçait les sourcils, impatientée de l’entendre. Des bâillements lui venaient aux lèvres.

Un jour, il lui fit une scène.

— Serait-il que t’en aurais assez, dis ?

La voix lui sortait de la gorge, éraillée et dure ; il tenait ses poings fermés. Elle eut peur de sa colère et répondit par un mot vague.

— À quoi que tu vois ça ?

Il eut un mouvement, comme pour tout briser autour de lui et brusquement se planta devant elle, les bras croisés.

— Faut me l’dire, d’abord. J’ai cor’ assez de plomb pour nous deux.

Elle leva les yeux, frissonnante. Une résolution froide se lisait sur son visage

— Grande bête ! va ! dit-elle. Est-ce que je ne suis pas toujours la même ?

Il secoua la tête.

— Non, non, non !

Elle haussa les épaules, à la fois douce et bourrue. Lui, continuait à secouer la tête sans parler.

À la fin, le voyant dans cette peine, elle fut prise d’un beau mouvement de passion. Elle sauta sur ses genoux et mit ses poings dans ses cheveux.

— Regarde-moi, tiens !

L’homme haussa lentement le regard, la tête basse et de côté, comme la lice grognante que le maître a matée, et un éclat vitreux allumait sa prunelle pleine de fureur et d’adoration.