Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/163

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— Ben, quoi ? grommela-t-il, j’te regarde. Après ?

Elle lui riait d’un large rire qui découvrait ses gencives rouges.

— Après ? dit-elle. Ben ! Tu ne vois pas qu’y a qu’on aime son homme ?

Alors une volupté l’amollit. Il lui prit la tête, se mit à la baiser et en même temps il poussait des soupirs, sa douleur s’en allant par là, petit à petit, comme le vent par le trou d’une outre. À la fin, il l’enleva tout d’une pièce, et jetant sa casquette à terre avec force :

— Nom de Dieu ! j’ suis un coïon, fit-il.

Elle se pendit à lui, imprimant dans ses pectoraux les pointes de sa gorge. Il se débattait.

— T’es une enjôleuse. On s’quittera !

Mais sa force était entamée. Il s’abattit près d’elle, tiraillé par ses mains hardies et caressantes et ne demandant qu’à la croire. Pourtant un doute lui restait, comme le mal sourd d’une plaie qui a cessé de saigner ; et sa rancœur le rongeait.

Elle s’en aperçut.

— T’as des idées sur moi, lui dit-elle, en le baisant dans la nuque, d’un coup de dent.

Il eut peur de remuer cette souffrance, hésita, dit non de la tête, et comme elle insistait, se décida. C’était vrai qu’il avait des idées ; elle s’ennuyait avec lui. Est-ce qu’elle n’avait pas bâillé plusieurs fois de suite, tout à l’heure ?

Puis elle était toujours pressée de s’en aller, depuis quelque temps. Deux jours de suite, elle n’était pas venue. Elle voulait s’arracher à lui, tout doucement. Ça se voyait clair comme la lune et les étoiles.

Germaine haussait les épaules.

— C’est pas vrai ! Peut-on dire !

Et sa tendresse lui revenait devant cet homme à con-