Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/166

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siens, inquiète, n’osant dire oui, et se méfiant de sa tranquillité comme d’une ruse, puis se mit à rire :

— P’t’ ête bien, mon homme.

Il courba la tête, saignant et pourtant joyeux de lui complaire, même au prix d’un grand sacrifice.

Ils demeurèrent trois jours sans se rencontrer, et au bout de ce temps, elle eut une fureur de le voir, étonnée et charmée de lui être à ce point soumise. Elle courut chez la Cougnole.

Il avait battu les bois à la guetter, l’espérant malgré elle et hâve, éreinté, l’air farouche, il portait sur ses traits la douleur de cette attente vaine.

— J’viens, tu vois, lui cria-t-elle, de loin, tout son être dilaté dans une joie réelle de le posséder.

Elle lui trouvait une beauté neuve ; cette absence le lui rendait avec des changements, quelque chose d’un autre homme ; et elle l’admirait, émerveillée, regagnée par l’ancien amour.

Lui, pleura ; de grosses larmes chaudes luisaient sur ses joues brunes, d’où elles coulaient sur les mains de Germaine.

— Faudrait pas recommencer souvent !

Et il ajouta qu’il avait été très malheureux. Il avait eu des idées drôles ; il avait même pensé à aller se tuer dans la cour de la ferme.

Elle lui donna des tapes dans les côtes.

— Biesse, va ! Puisque j’suis là !

Il répondit :

— Ah ! oui, t’as raison ! t’es là !

Elle lui avoua alors que la séparation avait été d’abord comme un temps de repos après avoir porté un poids lourd, mais bientôt ça lui avait fait un trou, comme si on lui avait arraché l’estomac du ventre. Elle l’aurait cherché partout, au fond des bois, s’il avait fallu. C’est à