Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/171

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— Merci, m’sieu Hayot, merci ! répétait Caïotte, élargissant son sourire un peu plus à chaque remercîment.

Cette magnificence l’étourdissait. Et reconnaissante, elle se mit à louer l’excellence de la vache noire, avec des détails circonstanciés. Ça lui ferait de la peine, pour sûr, de la voir partir, mais elle savait que les bêtes étaient bien chez m’sieu Hayot ; la peine ainsi serait moins grande. Et il l’écoutait distraitement, supputant le prix de la bête par avance.

Il entra dans la maison et cogna les dalles du vestibule, du bout ferré de son parapluie.

— Hé ! fermier !

Hulotte, en bras de chemise, était penché sur un secrétaire dont la face antérieure, en s’abaissant, formait pupitre. À l’intérieur du meuble, de chaque côté d’une cavité où étaient entassés des papiers, cinq tiroirs servaient à remiser l’argent. Hulotte, de lourdes lunettes sur le nez, balançait les comptes du dernier mois. Le haut de son corps disparaissait dans la profondeur du meuble. Un livre était ouvert devant lui, noirci d’une grosse écriture inégale, avec des macules d’encre et des salissures de doigts ; et près du livre, des tas de monnaies enfermées dans des papillotes, encombraient la planchette.

Il ferma son pupitre, se montra sur le seuil de la porte.

— C’est-y ben m’sieu Hayot que voilà ? dit-il ; sûrement, c’est lui. N’restez donc pas dans le mitan de la porte.

— Dérangez pas, fit l’autre. J’passais. Alors je m’suis dit comme ça : faut voir tout de même comment va le fermier. Et j’suis entré, là, pour entrer.

Hulotte insista.

— Ben sûrement, vous allez prendre un verre de bière. Fermez donc vot’ parapluie

— Non, là, ce sera pour une aut’fois. J’ai ma carriole avec moi. J’m’en vas, maintenant que je suis venu.