Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/229

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Il fit un pas de son côté, les yeux éclatants.

— Faudrait pas qu’on t’rencontre avec l’autre, dit-il. Y a du plomb dans mon fusil.

Le père entra, sombre, ayant gardé le froncement douloureux de ses sourcils. Et quelques instants après, Mathieu, le second des garçons, arriva à son tour.

Ils s’assirent tous les trois devant la table.

Hulotte montra du doigt la porte à Germaine. Elle sortit, gagna l’escalier, puis là, se mit à traîner, écoutant les voix. Elle reconnut la voix de son frère aîné ; il parlait avec animation, par éclats ; des mots arrivaient à elle, confus. Et la voix de son père s’éleva ensuite, grave, avec un ton d’autorité.

— Garçons, dit-il, laissez-moi parler. J’suis puni plus que vous dans Germaine. Elle avait ma confiance. Mais faut dire tout. J’ai p’t-être été un peu coupable, moi aussi. Sa mère me l’avait donnée comme ma fille, quoi ! Et p’t-être que not’ sainte femme vivant encore, elle n’aurait pas tourné ainsi. J’m’étais fait à l’idée de l’avoir toujours près de moi et qu’elle ne m’aurait jamais quitté. On fait mal sans le vouloir, des fois. Et vrai, j’aurais dû penser qu’une fille de son âge, c’est fait pour se marier et nous faire grand’papas, nous les anciens. Vous comprendrez ça plus tard, les garçons. Tout de même, y a que ma pauv’ défunte lui aurait trouvé un homme, un brave homme, qui aurait été son mari et l’aurait mise dans sa ferme. C’est ce que je m’suis dit là, tout seul, dans l’verger, étant à voir aux pommiers. Alors j’ai réfléchi. J’suis vieux, j’vois bien des choses à présent que, plus jeune, je n’voyais pas, et j’suis moins vif. Ben ! faudrait pas la brusquer, là. J’lui ai dit ce que j’avais à dire.

Hulotte se tut. Il se fit un silence, puis la voix de Warnant s’éleva de nouveau.