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XXIX



Des jours tristes commencèrent pour elle.

On la laissait aller et venir sans avoir l’air de la savoir là. Elle avait repris ses besognes accoutumées. Tantôt à la cuisine, tantôt à l’étable, elle était redevenue la fermière d’autrefois, et un besoin de s’étourdir dans le travail lui donnait une activité extraordinaire. Elle ne sentait un peu d’apaisement que dans la fréquentation des bêtes ; les bœufs aux champs avaient une paix qui se communiquait à elle. Mais, rentrée à la maison, le sentiment de sa déchéance la reprenait.

Un accord semblait s’être fait entre le fermier et ses fils pour la laisser à elle-même. On l’évitait. La bonne entente du passé s’était changée en une réserve froide qui l’isolait au milieu du train de la ferme. Quelquefois des mots étaient échangés, mais dits d’une fois, rapidement. Les après-midi s’achevaient ainsi, silencieuses et lourdes, ajoutant à sa peine l’accablement des soleils de juin. Le soir lui semblait une délivrance.