Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/241

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Deux heures se passèrent. Les Hayot continuaient à ne point paraître. Il était midi. Ils gagnèrent la rue, prirent un sentier qui aboutissait à la grand’route, non loin de la ferme des Hayot, La porte étant large ouverte, ils affectèrent de se planter sous l’auvent, tournés vers la cour et haussant les épaules en signe de dédain. Et cela encore étant demeuré sans résultat, ils redescendirent au village. Une large omelette au lard fut commandée chez Labusette, au Pot d’or ; et attablés, tête-à-tête, ils nourrirent fortement leur désir de vengeance.

Puis la cloche sonna aux vêpres. Ils allèrent reprendre à l’église la place occupée par eux le matin, derrière le pilier, et debout, leur casquette dans les doigts, ils regardaient osciller les nuques, dans les créneaux des épaules. Il y eut un tassement ; du monde refluait de l’extérieur. Ils tournèrent la tête et virent les trois Hayot au milieu d’un groupe de jeunes hommes. Enfin ! ils se décidaient donc ! Une chaleur leur passa dans le sang.

À la sortie, ils faillirent se trouver coude à coude. Les Hayot marchaient devant. Warnant pressa le pas, bourrant la file de coups d’épaule. Au moment où il allait poser la main sur le bras de Hubert, un garçon vigoureux s’avança d’un pas, s’interposa entre eux tranquillement. Warnant entrevit une tactique. Les Hayot s’étaient mis sous la protection de leurs amis : ils ne se battraient pas, ou, s’ils se battaient, ils se feraient couvrir par du renfort. Canailles, va ! Un peu plus de colère s’empara des rudes gars. Ils brûlaient de les regarder face à face, dans les prunelles ; mais les trois frères s’obstinaient à ne montrer que leur dos.

La bande entra au cabaret. Les Hulotte entrèrent à leur tour ; ils allèrent s’attabler en face des autres. Il se fit un silence parmi les buveurs, puis on chuchota. Le bruit de la querelle ayant transpiré, les yeux allaient de