Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/263

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côtes du forestier. Puis se mettant debout, déchiré, en lambeaux, la face boueuse de sang, brandissant son couteau au-dessus de lui, il sauta par-dessus Bayonnet et Bastogne, bondit dans le bois.

Trois coups de feu retentirent : les gardes tiraient après lui. Malplaquet, soulevé sur ses genoux, épaula son fusil par un dernier effort. Le plomb siffla aux oreilles du fuyard, persilla le feuillage devant lui, et subitement il disparut dans la mer profonde des verdures, sauvé.

Sauvé, mais désormais en révolte contre la loi, c’est-à-dire traqué, obligé de détaler au moindre bruit, pourchassé de tannière en tannière. Une complication surgit : Malplaquet traîna deux jours et mourut. Il l’apprit d’un paysan qui, la nuit, lui apportait du pain dans le bois.

Tout fertile en ruses qu’il était, Cachaprès comprit que la position n’était plus tenable ; il aurait beau biaiser, se terrer, grimper à la cime des arbres, il finirait par être pris.

Le paysan l’avait averti qu’une escouade de forestiers battait les taillis dans leurs moindres recoins ; les gendarmes avaient été réquisitionnés également, et toute cette bande enveloppait les futaies d’un vaste filet. Une chance lui restait : gagner de nuit, par étapes ou d’une fois, la partie de la forêt qui avoisinait la hutte des Duc. C’était sa forêt, celle-là ; il en connaissait les moindres replis ; elle avait été mêlée à tous les instants de sa vie. Bien fin qui le pincerait là !

Dix lieues de marche étaient pour lui l’affaire d’une nuit, à la condition de n’être pas inquiété. Il s’approvisionna de poudre et de plomb, passa son fusil en bandoulière et se mit en route. Il marchait à grandes enjambées, évitant les découverts, s’abritant derrière les arbres, rampant au long des taillis, quelquefois s’arrêtant quand