Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/274

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— C’était donc ça ! c’était donc ça !

Elle hocha la tête.

— Ah ! ben oui ! Et j’lui ai dit ce que j’avais à lui dire. L’pauvre cher garçon, que j’lui ai dit, est maigre et rebuté comme un loup des bois.

— Oh ! oh !

— Ses yeux sont toudis pareils à des fontaines !

— Bien dit, vieille.

— Y n’a p’us qu’l’âme à passer.

— Bien dit.

— Y s’fera un malheur !

— C’est vrai. T’as ben dit. J’aime autant être mangé des vers que d’vivre sans m’Germaine.

— Fallait l’entendre ; alle criait et brayait pis qu’une truie qui truïonne. Alle serait venue si alle avait pu ; mais pas possible, « C’est fini de s’voir et de s’bécoter, qu’elle m’a dit. » — « Bon, j’lui ai dit, pou’ un p’tit temps. » — Ah oui, qu’alle m’a dit, car de vivre sans m’n homme, j’voudrais plutôt n’vivre point.

Il écoutait dire, pendu à ses mots comme à des bonheurs. Sa poitrine battait fortement ; il eût voulu crier, chanter, se rouler à terre.

— M’ n’amie ! m’chère amie ! balbutiait-il.

Et sous ce midi brûlant, les yeux grands ouverts, il croyait rêver.

— Adieu ! m’fi. lui dit la pauvresse, j’vas prier l’bon Dieu pour ses créatures. Mon estomac est autant dire sec comme un four à pain. Si t’es pas plus dur qu’un chien, tu m’donneras une mastoque pour boire un gendarme au cabaret.

Il vida sa poche dans ses mains, gaîment.

— Prends tout. J’suis ben assez riche comme ça.

Elle le laissa, fit une centaine de pas, et cachée par les taillis, sans se retourner, lui cria de ne rien tenter auprès