Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/281

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mis en tête de le pincer aux environs de la ferme ? Pas possible. Cougnole seule savait le chemin qu’il avait pris, et il était sans crainte sur son compte ; la vieille ne le tromperait pas. Bah ! on verrait bien ! Quatre gardes ne l’effrayaient pas, ni cinq, ni dix ; il avait conservé une confiance superbe en lui-même. Tandis que la petite troupe s’engageait dans le bois, il se lança à travers les blés, s’aplatissant à ras du sol et ne se relevant que pour regarder autour de lui.

Les gardes s’étaient espacés. Il distinguait derrière les arbres, dans la brume bleue, leurs hautes statures lentement déplacées ; et petit à petit, ils disparurent dans la profondeur en élargissant graduellement leur cercle. Il lui parut qu’ils cherchaient à envelopper le bois comme dans une traque, en prenant soin de se rabattre vers la partie de la forêt qui avoisinait la ferme. Il ramait à travers les blés, mer verte aux écumes d’épis, de ses bras ouverts et tournant circulairement. L’espace diminuait devant lui. Il voyait grandir de moment en moment le bloc massif que la ferme faisait dans la nuit.

Un bruit l’arrêta net. Il pointa la tête hors des blés, immobile, et regarda.

Au bas de la plaine, à sa droite, s’allongeait un chemin bordé d’arbres et qui bordait un étang. Le bruit partait de là. C’était le pas cadencé et régulier d’hommes battant le pavé. Une épaisseur d’ombre tombant des arbres sur le chemin lui dérobait les marcheurs. Quelquefois, une tache sombre, compacte, traversait les blancheurs de lune traînant à terre, mais trop confusément pour qu’il pût distinguer les formes. Le bruit décrut, sembla se perdre dans un bruissement de taillis remués.

Ah ça ! est-ce que les gardes s’étaient donné le mot ? Il eut l’idée que peut-être bien on avait organisé une battue en règle. Ce serait par trop bête que de se faire prendre