Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/280

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et la maison. Sa poitrine était battue de larges secousses. Il se disait qu’après tout, sa vie était là, sous ce toit. Aller jusqu’à Germaine, passer la nuit à deux, la tenir dans ses bras, comme au bon temps, que lui importait le reste, c’est-à-dire les gardes, les coups de feu, la mort ?

D’ailleurs, le plomb qui devait l’abattre n’était pas encore fondu ; il avait plus d’une corde encore à son arc. Et il se mit à rire tout haut dans la nuit, pensant à cette meute de forestiers qu’il embrouillait sur ses pistes, depuis près de quinze jours.

Il se leva. Une impatience d’arriver le talonnait. À cette heure, tout dormait à la ferme. C’était le bon moment. Il se souvenait d’avoir vu dans le verger une échelle ; il la poserait contre le mur, très doucement, monterait jusqu’à la fenêtre, et là cognerait aux vitres. Elle se douterait bien que c’était lui ; il lui ferait signe d’être muette ; puis le temps d’enjamber l’appui, un baiser sur ses lèvres rouges, l’étreinte chaude de ses bras, et l’on resterait à deux jusqu’à l’aube.

Une masse noire se détacha sur la blancheur de la plaine, brusquement. Des hommes se dirigeaient du côté du bois, par un sentier longeant un champ de blé. De l’endroit où il était, Cachaprès voyait moutonner les têtes et les épaules, sans distinguer les corps, masqués par la hauteur des blés. Ses yeux s’agrandirent alors, et il cherchait à conjecturer leur nombre.

À mesure qu’ils se rapprochaient de la lisière, leurs silhouettes se dessinaient. Ils étaient quatre. Un des hommes était coiffé d’une casquette à liseré brillant. Tous quatre portaient des sarraux. Et comme ils débouchaient, déployant toute leur taille dans la clarté de la lune, il reconnut quatre gardes jeunes et bien découplés. Derrière leurs épaules, des canons de fusil luisaient.

Est-ce qu’il aurait été deviné ! Est-ce qu’on se serait