Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/285

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poings aux hanches, cinglant de ses bras nerveux ses reins de fer, il dévalait les pentes, gravissait les montées, franchissait les ravins, mesuré, élastique, rasant à peine le sol.

Il se dirigea vers la droite, ayant un but, qui était d’atteindre la hutte des Duc. Il y avait non loin de là un hallier profond, enchevêtré de ronces. Il avertirait les Duc en passant et se cacherait dans l’épaisseur du fourré. Ce serait bien le diable, si on le pinçait dans cette cachette.

Une douleur lancinait, par coups violents, son épaule gauche ; toute la partie de son corps allant de l’humerus à la hanche semblait se détraquer alors ; et des aiguillons criblaient sa chair, comme si elle eût été piquée à la pointe d’un fer brûlant. Il porta la main à son épaule et la retira visqueuse, pleine d’une moiteur chaude de sang.

La poitrine n’avait rien du reste, ni les poumons. Il avait gardé le souffle égal et puissant ; son jarret manœuvrait comme un ressort docile ; il n’était pas près de tomber. Et tout pantelant qu’il était, il eut son rire endiablé des grands jours.

Petit à petit, le pourchas avait diminué ; il avait entendu partir deux coups de feu, tirés sans doute dans les taillis après quelque silhouette douteuse ; puis la rumeur humaine s’était dissoute dans la profondeur, et il avait un peu ralenti la vitesse de sa course, sûr d’avoir dépisté la traque. Ce qui était vrai. Elle battait la gauche du bois, égarée sur des pistes fausses.

Cachaprès arriva à la hutte des Duc au milieu de la nuit. Il cogna.

P’tite était seule au logis. Le vieux et la vieille, à une lieue de là, ébranchaient une coupe d’arbres, nuitant sous bois, pour faire les journées plus longues. Et elle le regardait de ses yeux mauvais, furieuse à la fois et ravie,