Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/30

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ses yeux sauvages voyaient alors des visages calcinés et durs comme la souche qui sert à faire le feu des pâtres ; mais le plus ordinairement, il demeurait couché l’hiver dans les feuilles sèches et l’été dans les touffes d’herbes, sans autre chanson que le vent féroce, ou assoupi selon les saisons, sa chair nue mordue par les mouches, frôlée par les bousiers, caressée par les pluies d’étamines ; et le soleil descendant sur cette grosse blancheur d’enfant calme, l’avait tannée petit à petit.

Une après-midi, les Hornu le déposèrent sous un arbre, dans une litière de mousse tiède. Ayant à charrier un faix de fagots chez un paysan, ils l’avaient mis là à la garde du Ciel. Ils étaient revenus trois heures après, et n’avaient plus trouvé l’enfant. Lentement, sans inquiétude, sûrs qu’il n’avait pu être dévoré par une bête, ni dérobé par un voleur, dans cette profondeur des bois habitée seulement par les lapins et les geais, ils avaient battu les alentours.

L’enfant s’était traîné sur le ventre et les mains, s’aidant des racines et des branches basses du taillis, jusqu’à un trou creusé dans le talus. Quelque chose en était sorti qui l’avait rendu curieux, un gibier roux pareil à celui que rapportaient quelquefois son père et ses frères. L’animal avait un instant bondi dans l’herbe, puis était rentré ; et Hubert s’était poussé jusqu’au terrier, étonné, ravi, guettant ce joujou sauvage avec un tremblement de tout son petit corps.

Ses parents le retrouvèrent sur la pente du talus, les épaules enfoncées dans la cavité. Il avait quinze mois. Ce fut comme l’annonce de sa passion pour les bêtes.

À deux ans, il s’amusait des araignées qui arpentent le dessous des herbes et des mouches qui s’aplatissent sur les feuilles en ronflant. Une peau de lapin lui faisait tendre les bras avec avidité ; il geignait pour l’avoir, bat-