Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/39

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— Cache après !

C’est-à-dire « cherche après, » dans la langue du pays.

Le nom lui était resté, prenant graduellement une consistance de renommée : on le prononçait dans les récits de chasse, aux tablées de cabarets, aux veillées de fermes, avec des pointes contre les gendarmes si c’étaient des parlotes de paysans, des invectives contre le braconnage si c’étaient des causeries de chasseurs ; et cette célébrité se grossissait de l’impossibilité de le prendre, de l’impénétrabilité de ses retraites quand il était traqué, d’une queue d’histoires dont il était le héros.

Les gens de la campagne l’aimaient, le sentant avec eux dans leur révolte basse, leur rancune inavouée contre l’autorité. Et Cachaprès avait la chaude paille de l’écurie, les jours où il venait demander la nuitée aux fermes, et en tout temps de larges chanteaux de pain, de la bière et du café à discrétion. Du reste, il gagnait de l’argent, et les villageois voyaient avec émotion des monnaies blanches reluire dans ses mains.

Il avait gardé pour les bois son vieil amour d’enfant ; mais depuis qu’il connaissait les gaietés de la bière, le désir de la noce l’attardait dans les bouchons, jouant aux quilles, lampant, s’éjoyant à faire des paris. Il avait l’humeur haute en gueule du Wallon ; son rire grêle de gamin s’était changé en une hilarité sonore qui avait l’éclat du cuivre. Et ce rire sortait de sa poitrine, fréquent, puissant, fait pour dominer la rumeur des buveurs sous les tonnelles où on lance la boule.

Toute cette expansion de vie semblait se renfoncer au plus profond de son être lorsqu’il était dans la forêt, faisant le guet, tendant ses piéges, posant ses cols, mêlant son immobilité à celle des arbres, et de son oreille en cornet, pareille à celle des satyres, recueillant les signifi-