Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/100

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matin. Aux derniers plans du paysage, comme un fil d’araignée jeté dans la brume d’or, la courbe d’un pont suspendu mariait deux collines. Le soleil printanier vous envoyait ses rayons, comme une pluie de joie ; toutes les cloches étaient en branle, l’orgue chantait et le vent tiède et parfumé vous apportait des lambeaux de musique sacrée. Des enfants roses jouaient au seuil des portes ouvertes. De jeunes femmes à longues robes cheminaient vers l’église, et les petites vieilles, proprettes et réjouies, laissaient épanouir de belles rides maternelles sous les amples tuyaux de leurs bonnets à barbes de neige. Quoique étranger, vous vous sentiez chez vous. La bienvenue rayonnait sur tous les visages, comme une sainte lumière des cœurs. Depuis, vous avez vu bien d’autres villes, plus grandes ou plus célèbres ; mais la première est restée comme une vivante image incrustée dans votre souvenir. Plus tard, vous avez voulu la revoir ; vous l’avez longtemps cherchée sans pouvoir la retrouver. Vous ne saviez plus son nom : « Était-ce en France, ou sur un versant d’Espagne ? N’était-ce pas une cité flamande, une riveraine de la Moselle ou du Rhin ? Peut-être au pied des Alpes la retrouverais-je ? Je me rappelle une fraîche voisine de Saint-Gall, de Lucerne ou de Glaris. » Mais non ; vous perdez votre peine. Les années