Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/101

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passent, et votre souhait… vous finissez par ne plus y songer. Vous vous étiez dit pourtant : « Si j’entendais prononcer le nom de cette ville, je la reconnaîtrais. » Un jour, par hasard, un indifférent répète devant vous ce nom-là ; vous tressaillez : c’est bien elle. Des syllabes identiques vous ont frappé l’oreille. La ville est tout près de vous. Vous avez passé cent fois près d’elle sans le savoir ; c’est au plus à quinze ou vingt lieues. Vous y courez en toute hâte ; en route, vous écoutez chanter en sourdine dans votre cœur l’orchestre magique des lointains souvenirs. Enfin, vous entrez dans la ville de vos rêves ; mais vous ne la reconnaissez plus. C’est bien elle, pourtant ; voici le mail, le pont là-bas, le clocher, l’église, rien n’y manque ; mais le ciel est gris, le fleuve sale, les arbres rouillés, les gens rogues, les chiens maussades, les enfants déguenillés et pleurards. « Quel changement ! dites-vous ; est-ce possible ! c’est une erreur, sans doute. » Pauvre homme ! Toi seul as changé.


Les robes jouent un assez grand rôle dans notre existence d’homme. Lorsque percent nos premières dents, que nous bégayons nos premières syllabes et que nous essayons notre premier pas en trébuchant, notre petite main