Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/123

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eu égard aux nombreuses annonces interdisant la chasse, dans presque tous les journaux. Un propriétaire dénué de mansuétude dépense chaque année en frais d’impression plus d’argent que ne vaudrait tout le gibier de son île. Exceptons quelques lapins égarés çà et là dans les maigres garennes. Il y a quelques jours, le maire (connétable) d’une paroisse et quelques notables habitants furent condamnés à l’amende pour avoir tué deux ou trois lapins sur un terrain vague et de vaine pâture, qu’un personnage irascible de la même paroisse prétendait lui appartenir à titre féodal. Pas de vignes ni de champs de sarrasin pour remiser cailles et perdrix ; on n’en trouve plus ; on ignore à quelle époque elles ont disparu, et par une singularité curieuse, de mémoire d’amoureux, on n’a jamais entendu chanter le rossignol. Portbail et Carteret ne sont pourtant qu’à cinq ou six lieues, mais jamais le nightingale n’a jugé à propos de franchir la distance. Pourquoi ? Mystère. Si on expliquait tout, la vie serait en prose. En revanche, j’ai prêté l’oreille à une fort belle grive, la grande musicienne qui, branchée dans les vieux ormeaux de Saint-Clément, se faisait entendre de fort loin, mêlant ses notes riches et puissantes aux mugissements des taureaux et génisses épars dans les gras pâturages, tandis que sur la côte le flot montant