Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/149

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Mme Desmarennes, grande et belle brune, un peu forte, bien en deçà de la quarantaine, et Mlle Thérèse, mince fillette châtain clair de vingt ans à peine, svelte, fine et d’apparence nerveuse et volontaire.

Toutes deux, les manches retroussées bien au delà des coudes, laissaient voir sans hypocrisie leurs bras nus à petites veines bleues, et, affublées de grands tabliers tombant comme des chasubles, semblaient officier religieusement.

L’une, la mère, pétrissait en pleine pâte un gâteau fin comme ceux de Peau-d’Ane et tout un nuage de poudre blanche enfarinait les fossettes de ses joues.

L’autre, sa fille, armée d’une longue cuiller à manche, près d’une bassine de cuivre miroitant comme une sébile d’or, remplissait de jus de groseille et de framboise toute une rangée de pots de confiture, alignés comme des livres de bibliothèque, sur une planchette à hauteur d’appui, toute à son œuvre avec un grand sérieux et des moustaches de framboises aux coins des lèvres.

Toutes deux, surprises en flagrant délit dans l’accomplissement de leur sacerdoce, éclatèrent d’un franc rire, et sans fausse honte, après une affable révérence aux visiteurs, Mme Desmarennes ajouta :

— Nous en avons encore au moins pour