Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/172

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Bien que vivement contrarié de voir la maison vide, Georges Paulet fit contre fortune bon cœur et se disposa à partager l’enthousiasme de son ami pour l’aménagement des caves et des chais de Guillaume Desmarennes, qu’ils visitèrent en détail, ayant pour introducteur le maître de chai lui-même.

Il leur fit les honneurs de son domaine avec la majesté d’un suisse de cathédrale. On commença par le chai principal, au ras du sol, et en pente, qui suivait dans toute sa longueur, en ligne parallèle, les bordures d’osier du jardin bas.

Les chais de Saintonge sont de vrais sanctuaires. On n’y voit pas d’abord en entrant. Une impression de fraîcheur et de ténèbres vous saisit à la fois, comme à l’entrée des vieilles cryptes romanes. On marche à tâtons comme un aveugle ; puis votre œil se familiarise avec un demi-jour crépusculaire aux tons roux, comme dans certains intérieurs de Van Ostade, élève de Rembrandt (ou digne de l’être). Bientôt toute une rangée de barriques en bon ordre émerge des pénombres. Les barriques pleines rendent un son mat, mais si d’un coup sec votre doigt coudé interroge une futaille vide, un son d’orgue pur et vibrant s’éveille et se répercute en multiples échos jusqu’au bout du long sanctuaire. Ce n’est pas une odeur