Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/18

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étoile et d’un bon vent, l’avaient promptement enrichi. Il avait eu l’esprit de se retirer en veine de gain, et d’acheter écus comptants plusieurs grosses fermes dans la haute et la basse Normandie ; son fils unique n’avait eu que la peine de naître, en vrai fils de roi, dans la plume de grèbe. Comme ceux à qui tout vient à souhait, il n’avait presque jamais rien désiré. Ayant reçu une très belle éducation, du reste, au collège Henri IV, et fait son droit comme tout le monde, il se trouvait à sa majorité possesseur de trois cent bonnes mille livres de rentes, en revenus de bien-fonds, qui ne roulent pas comme des pièces d’or et ne s’envolent pas comme des billets. Dans ces conditions, on est à peu près libre, de nos jours. Sans être un homme de génie, il était fort intelligent, d’aptitudes variées, et, très heureusement pour un petit monde d’élite, accusait une préférence marquée pour les belles œuvres d’art, surtout les toiles de paysagistes. Il ne ressemblait en rien à quelques-uns de nos riches prudhommes contemporains qui furètent sans pudeur les ateliers, achètent peu et parfois gratifient l’artiste d’un sourire de commisération gouailleuse à faire lever les épaules des plus humbles. Lui, admirait sérieusement, et payait fort bien. On dit même que plus d’un peintre en détresse avait pu recevoir sans rougir quelque sérieux