Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/198

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l’abordage, sous Jean-Bart et Duguay-Trouin.

Ce fut là, dans une lutte inégale et terrible, que tombèrent trois cents des nôtres, humbles et stoïques serviteurs d’une grande cause. La plupart d’entre eux savaient qu’ils n’en reviendraient pas, mais s’étaient dit que leur exemple était bon, et c’est avec une âpre joie qu’ils s’en allaient dans la mort.

Que de jeunes et vaillants cœurs cessèrent de battre ce jour-là ! Que de beaux et francs regards éteints pour jamais ! Quelles mains robustes et loyales brusquement refroidies, crispées dans une dernière étreinte sur la grande hache de combat !

De toute cette ardente et sérieuse jeunesse, emportée d’un souffle épique, comme si Jeanne d’Arc et Marceau revivaient en elle, restèrent quelques flaques de sang noir éparses dans la neige.

Quand Georges Paulet tomba, d’un coup de feu en pleine poitrine, son matelot s’agenouilla pour arracher l’uniforme et de la main chercha son cœur, qui ne répondait plus. Il voulut emporter son maître, mais presque aussitôt, frappé lui-même, il s’affaissa sur le corps de son lieutenant.

Il ne reprit connaissance que deux nuits après, sur un froid grabat d’hôpital, la tête enveloppée de linges saignants, à la lueur