Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/201

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Mais voilà des siècles que les vignerons de Saintonge sont bien tranquilles chez eux. Aussi les narrations de Baptiste, rapides et colorées comme les récits des marins primitifs, leur semblaient-elles des chroniques toutes neuves, attrayantes comme les fabuleuses légendes d’un autre âge.

Peu à peu on se reprit à vivre à Saint-Christophe. Le train régulier des affaires, la bruyante activité du moulin, les arrivages de blé, la vente des farines, le bruit des longues charrettes allant et revenant de jour et de nuit, et la récolte des foins, et la moisson, et la vendange, occupèrent plus ou moins tout le monde.

Me Guérineau, l’avocat ; Verdier, le notaire ; le docteur Laborde revinrent d’abord à de rares intervalles, puis régulièrement, comme autrefois, déjeuner ou dîner à la maison.

Me Guérineau était certainement un de ceux qui avaient le plus douloureusement ressenti la perte de Georges Paulet, son ami d’enfance et son plus cher camarade, mais lui-même évita plus d’une fois de prononcer son nom, d’abord à cause du grand deuil trop récent de Thérèse, par crainte de toucher à des plaies encore vives ; puis, par habitude, soit qu’on y songeât moins, soit que, dans le tumulte et le mouvement des affaires courantes, l’oubli, comme une mousse