Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


« Monsieur, mille pardons, mais je n’ai pas l’honneur…

— De me connaître ? De profil, c’est possible, mais de face…

— Oui, l’œil et la voix… mais la barbe me désoriente, et j’ai beau fouiller mes souvenirs…

— Allons, un effort de mémoire… un portrait de jeune peintre, en habit somptueux comme Breughel de Velours… Cheveux blonds à torrents. Dans ta galerie, à droite.

— Georges !

— Parbleu…

Et les deux amis s’embrassèrent très cordialement, puis comme d’anciens camarades, revinrent s’asseoir côte à côte sur le talus de mousse, tandis que, surpris de leur indifférence à son égard, le rossignol redoublait de vitesse et d’intensité dans l’émission de ses vocalises.

« Vraiment, dit Henri, je ne t’aurais pas reconnu avec ce masque bronzé, et ta barbe en éventail, comme celle du feu roi mon patron…

— Dame ! les soleils étrangers, les fatigues, les années… sais-tu qu’en voilà sept ou huit ?

— Huit… en réfléchissant… et, je l’espère, tu nous reviens pour longtemps…

— Qui sait ? à une époque d’ordre composite aussi bizarre que la nôtre, les histoires les plus authentiques ressemblent à des aventures