Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/222

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elle avait peine à croire qu’elle était définitivement seule, ouvrait tout grands ses yeux fixes et tendait l’oreille, se demandant si Georges ne reviendrait pas rouvrir sa porte et répéter ce cher petit nom de Mésange qui remuait si délicieusement toutes les fibres de son cœur…

— Qui sait ? se disait-elle ; il aura été mal enterré peut-être… et précipitamment. Nous avons eu l’extrait mortuaire, c’est vrai… mais on n’a pas rapporté le corps… Je n’ai pas vu de mes yeux, touché de mes deux mains ses plaies glorieuses dans une horrible certitude… Quand il est tombé sur le champ de combat, qui donc l’a ramassé ?… On ne sait. Nous n’avons eu aucun détail précis à cet égard. Le doute est permis. Baptiste l’a vu tomber, assure-t-il ; mais, frappé presque aussitôt lui-même, il n’a pu voir qui l’avait relevé… Et que s’est-il passé depuis ?… Une erreur est possible, dans le pêle-mêle et le grand désordre qui suit une retraite après les batailles…

La pauvre femme revenait souvent à ces pensées tristes et mornes, qui troublaient à la fois sa tête et son cœur, tandis qu’elle cheminait près de son jeune beau-frère, Henri Paulet, que berçaient encore toutes les illusions de son âge.

Certes, pour ce brave enfant qui s’était spontanément dévoué pour elle, elle ressentait une