Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/223

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gratitude infinie. Bien que simple femme, elle était de force à lui rendre la pareille si l’occasion s’en présentait… En temps de guerre et d’épidémie, sous la tente du soldat ou sur un lit d’hôpital, elle l’eût soigné avec l’abnégation absolue d’une vraie sœur de charité, mais il ne fallait pas lui demander autre chose… Aucune pensée d’amour ne pouvait trouver place dans un cœur qui ne lui appartenait plus ; où veillait, sans jamais s’éteindre, un religieux et fervent souvenir.

Au cours de ces longues promenades quotidiennes, elle, la femme reconnaissante, et son jeune beau-frère, ébloui de sa beauté, cheminaient dans la vie, côte à côte, pour ainsi dire, mais se trouvaient fatalement sur deux lignes parallèles, pouvant aller jusqu’au bout du monde sans jamais se rencontrer.

Ces excursions de famille, où se trouvaient souvent réunies Mmes Desmarennes, Laborde et Verdier, étaient toutes naturelles en villégiature de mer ; aux yeux du monde le plus strict et le plus scrupuleux, il n’y avait absolument rien à dire. Il n’en est pas moins vrai qu’on en jasait déjà depuis quelques jours. Les commentaires allaient leur train de Pontaillac à Saint-Georges. Les gens les mieux informés prétendaient que le jeune Henri (et à ce nom ils fredonnaient un air de chasse de l’Opéra-Comique), le jeune