Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/26

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mystérieuse aventure dans ton passé, et puisque tu me crois digne de la confidence, j’écoute :

— Tu sais qu’en faisant mes premières études de paysagiste, je courais un peu les grèves bretonnes et normandes, Houlgate, Cancale, Arromanches, la Chapelle-en-Saint-Briac, etc… A vingt et un ans, robuste et bon nageur, je m’aventurais assez loin en mer, à l’aise dans l’eau comme la mouette dans l’air, et prenant de préférence mon bain de sel et de lumière aux dernières lueurs du soleil couchant.

« Un soir (c’était à la Chapelle-en-Saint-Briac), je raconte sans phrases, au courant des souvenirs. Je prenais mon bain comme d’habitude, en toute nonchalance. Il y avait ce jour-là beaucoup de promeneurs sur la grève, la dune et les roches. Au coucher du soleil, je crus m’apercevoir d’un mouvement inusité dans la foule des promeneurs, courant par bandes affolées sur le bord des plus hautes roches, avec de grands gestes, que je distinguais fort bien, et sans doute de grands cris que la distance et le bruit des lames m’empêchaient d’entendre. Je compris qu’il y avait un baigneur en danger. D’un rapide coup d’œil, j’embrassai l’horizon et me dirigeai en toute hâte vers le point de la mer où semblaient converger les gestes de la foule… A quelques brasses de moi, une tête blonde roulait échevelée