Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/27

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dans l’écume des lames, je fus bientôt sur elle et pus saisir à plein corps une jeune fille presque évanouie… Elle ouvrit démesurément les yeux, me regarda fixement et riva ses deux mains à mon cou dans une étreinte désespérée, mais presque aussitôt les mains se détendirent, et je n’eus qu’une masse inerte à maintenir à flot tandis que je nageais d’un bras. La grève n’était pas loin, mais la mer se retirait et tu sais que, dans cette conche étroite creusée en entonnoir, le flot de jusant, très rapide, est presque irrésistible : j’eus peine à vaincre la barre d’écume et j’étais à bout de forces quand je heurtai la grève… Pris de vertige, j’eus comme un éblouissement funèbre avec un grand frisson d’anéantissement ; mes yeux se fermèrent… voilà tout dans mes souvenirs.

— Et tous deux furent sauvés, interrompit vivement le comte.

— Oui, mais attends la fin. Je n’ouvris les yeux que douze heures après, dans mon lit d’auberge. Au chevet, un grave personnage inconnu semblait épier mon réveil.

— Sauvée ? dis-je d’instinct…

— Oui, me répondit-il, en me prenant les mains avec effusion… Ma fille… grâce à vous… » Puis, après quelques instants de silence : « Quand on a fait preuve d’un tel courage, on