Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/269

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col-vert qui avait sa charge de plomb dans l’aile ; il y risqua sa vie, en fut quitte pour une belle fluxion de poitrine, bien caractérisée, mais la femme du sabotier mangea du canard sauvage. Notre singulier gentilhomme ne pouvant être l’oppresseur de vassaux qu’il n’avait plus, se contentait d’être adoré de ses voisins, qui le nommaient Monsieur Albert, tout court, résumant tous ses titres dans la noblesse de son cœur.

Il se laissait donc vivre depuis cinq ou six ans de cette bonne vie au grand air, vie rustique et bien employée, lorsqu’un soir il rentra chez lui tout désappointé, avec quelque chose de profondément triste dans la voix :

— Tante Berthe, vous ne savez pas ?

— Qu’est-il arrivé, mon enfant ?

— Je viens d’entendre un piano chez l’Anglais.

— Un piano chez l’Anglais ? Impossible.

— A coup sûr ce n’est pas Germaine…

— Non, Germaine n’en joue pas.

Ici quelques lignes sont indispensables pour l’intelligence du récit, car il faut bien expliquer par quelles mains et quelles fortunes diverses avaient passé les débris du vieux château de Rhuys.

Il avait eu pour premier acquéreur, à vil prix, en 1795, un tonnelier de Vire, qui ultérieurement