Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/268

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ténor pour redire à Mlle Berthe des romances et des légendes fleuries du vieux temps. Ajoutons que, se plaisant fort à la campagne, il savait faire œuvre de ses dix doigts dans la vie pratique. C’était un disciple fort avouable de saint Hubert et de saint Pierre, ayant le coup d’œil sûr et la main prompte pour abattre au vol une pièce de gibier. Sans être un pêcheur à la ligne, il savait à propos mouiller ses verveux sous les herbes en droit fil des eaux courantes et, quand il ramenait gravement son filet sur l’épaule, il n’y avait pas dans la Manche et l’Ille-et-Vilaine un garçon de moulin pour dessiner en rivière un plus beau rond d’épervier. Ces menus talents d’ailleurs ne servaient pas à un égoïste : s’il y avait une fête de famille, un baptême, un mariage parmi les pauvres gens du pays, on était tout surpris de voir apparaître une belle truite de roche ou une grosse carpe à miroirs, apportée sur la table par une main invisible, comme dans un conte de fées, sans oublier les perdreaux suivant l’ordre des saisons. Un jour la femme d’un sabotier, qui attendait la venue de son troisième enfant, fut prise d’une folle envie de canard sauvage, Albert en eut vent, courut à plusieurs lieues de là, tout près de Pontaubault, et s’enlisa jusqu’au jarret dans les herbues de la Sélune, à la poursuite d’un superbe