Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/272

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cottage et de la villa, comme savent en construire nos voisins d’outre-Manche sur les vertes pelouses des îles anglo-normandes. Vive, alerte, spirituelle et pimpante comme nos fraîches soubrettes de l’ancien répertoire, Germaine était un des bons partis de la contrée (son père avait cumulé depuis vingt ans, comme jardinier-pépiniériste, gardien des ruines et maître meunier) ; mais les gros propriétaires d’herbages et les notables marchands de bestiaux du pays n’avaient pas encore osé se frotter à sa petite main blanche, effarouchés par ses airs de grande demoiselle, malgré sa joyeuse humeur et ses beaux rires d’argent clair. Ils comprenaient sans doute que la belle fille tenait son cœur et sa dot en réserve pour quelque jeune notaire bien propret en quête d’une étude, ou un substitut en passe de devenir procureur. A vingt ans elle se trouvait assez jeune pour attendre. Albert l’ayant connue tout enfant, avait gardé l’habitude de la tutoyer, et entrait familièrement dans la maison à toute heure. On s’y trouvait toujours enchanté de sa visite.

— J’en aurai le cœur net aujourd’hui même, se dit-il en se levant de très bonne heure après avoir mal dormi. Je veux avoir le secret de cette musique scandaleuse.

Et prenant son fusil, sous prétexte de battre