Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Précisément, répondit-elle, Donizetti, frère poétique d’Alfred de Musset, génie d’artiste paresseux ; ce sont souvent les meilleurs. Eh bien, nous écouterons la sérénade de Dom Pasquale, je vous accompagne de souvenir.

Elle se remit au piano. Il s’exécuta de bonne grâce, et chanta vraiment fort bien cette délicieuse inspiration d’un rossignol au cœur de feu disant l’amour des nuits heureuses.

Sa voix émue, chaude et vibrante, sans faux éclat ni roulades pédantesques, lui mérita les applaudissements de l’auditoire et un très bon point de Mlle d’Évran. Il la remercia vivement de l’avoir si obligeamment accompagné, et vers la fin de la soirée, il la remercia de nouveau pour avoir plaidé si chaudement sa cause dans la question des ruines. Elle comprit à son franc regard et à l’accent de sa voix qu’il y avait dans ses paroles autant d’admiration pour sa beauté que de gratitude pour son intervention généreuse ; et ce soir-là, le comte Albert rentra chez lui presque heureux, mais un peu troublé. Il traversa sur la pointe du pied la chambre où Mlle Berthe sommeillait, lui donna, sans la réveiller, un pur baiser filial, et, bien que fatigué par les émotions diverses de sa journée, il eut grand’peine à s’endormir.

La nuit, il aperçut bien encore dans ses rêves quelques fragments des ruines, mais il en vit