Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/312

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lui et goûte fort médiocrement ses plaisanteries, souvent cousues de gros fil. Tenez… pas plus tard que ce matin, il y a une heure à peine, au moment même où Mlle d’Évran ouvrait sa fenêtre sur le parc, M. Alexandre, pour essayer un fusil neuf, ne trouvait rien de mieux que d’abattre un rouge-gorge qui chantait au soleil sur la grande rosace, et du second coup, presque à bout portant, un pauvre petit faon de chevreuil, qui n’a poussé qu’un soupir en tombant roide avec du sang dans les yeux. Mlle Alise était hors d’elle-même. « C’est odieux et ridicule, a-t-elle dit.— Une autre fois, quand vous tuerez vos bêtes, que ce ne soit jamais sous mes yeux. » Après cela, M. Alexandre n’est peut-être pas un méchant garçon, mais un vaniteux bouffi qu’elle regarde comme un être sans conséquence.

Albert resta inquiet pourtant, et le soir même il aperçut au fond de la grande avenue Mlle Alise à cheval, accompagnée d’Alexandre, tous deux emportés par un galop rapide ; et il lui sembla qu’ils étaient bien près l’un de l’autre… Il sentit comme une dent de couleuvre lui faire en plein cœur une morsure profonde.

— Je suis tout aussi bon écuyer que ce garçon-là, maugréa-t-il, et je n’entends pas que mon Noir s’endorme à l’écurie.