Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/315

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ces yeux-là ne disaient que ce qu’ils voulaient dire.

Pourtant, dès les premiers jours de sa rencontre avec Albert, Mlle d’Évran l’avait à peu près jugé : « Voilà sans doute le gentilhomme vraiment digne de me donner son nom. » Et elle s’était accordé un mois pour réfléchir, pour en faire une étude sérieuse approfondie. La moindre faute de goût, la plus légère infraction aux règles de l’étiquette, une fausse note du cœur suffisaient pour le perdre à jamais dans son esprit. Elle attendait avec une anxiété curieuse, qui n’était pas sans charmes, pour se prononcer en dernier ressort à son égard. Quant à lui, elle avait compris, dès le premier soir, qu’il était bien à elle, subjugué, parfaitement conquis ; cela ne faisait pas de doute. Mais elle-même se trouva bientôt prise à ce terrible jeu, comme une baigneuse en rivière, souriant aux eaux limpides et perdant pied sans s’en apercevoir.

Et par une étrange loi des contrastes, la Parisienne pur sang trouvait dans cet amour discret d’un gentilhomme retiré du monde, quelque chose de primitif, de salubre et de fortifiant comme un parfum sauvage de marjolaine ou de romarin, tandis que lui respirait en elle une fine plante de serre, au parfum subtil, exquis et pénétrant comme une fleur de gardénia