Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/316

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qui l’enivrait. Ils ne s’attendaient pas l’un et l’autre à cette mutuelle surprise… Ils se trouvaient ainsi dans la joie profonde d’une rencontre inespérée, après s’être longtemps rêvés avant de se connaître.

Lui était comme effrayé de son amour, et s’était bien promis de ne jamais en rien révéler, de l’enfouir silencieusement dans la profonde intimité de son cœur, à la fois trop humble et trop fier pour en faire l’aveu, adorant Alise pour elle et ne voulant pas qu’elle pût songer un instant qu’il lui ferait l’injure de mendier sa dot, dot considérable au dire de maître Gerbier, qui évaluait à cinq cent mille francs au moins les revenus annuels de M. Grandperrin, dont la fortune, par moitié, appartiendrait plus tard à Mlle d’Évran.

Sans être précisément jaloux d’Alexandre, type vulgaire, causeur nul, dont le front très étroit se dérobait sous un épais gazon de cheveux ras, Albert restait soucieux cependant et trouvait que ce personnage de famille était beaucoup trop souvent près de Mlle Alise. Aussi ne voulait-il perdre aucune occasion de suivre à cheval les promenades en voiture dans les avenues du grand parc ou dans les bois environnants.

Albert montait un vigoureux petit cheval du pays, noir comme jais, avec une étoile blanche