Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lièvre qui fait sa randonnée, il était revenu au gîte pour être successivement maître de forges dans l’Ariége, raffineur de sucre dans le Pas-de-Calais (à Corbehem, je crois), et que tout récemment il était venu s’échouer dans une filature à Fleury-sur-Andelle, où il se trouvait traqué par une meute de créanciers avec un passif de deux cent mille francs ; que dans cette crise désastreuse elle craignait un coup de tête, que son père avait quelque chose d’égaré dans les yeux et qu’elle avait pris sur elle de venir à moi de son propre mouvement. Elle me parut très digne et très émue, et me dit en achevant : « Monsieur le comte, si ma démarche vous paraît étrange, oubliez-la et pardonnez-moi ; si elle vous semble toute naturelle, faites simplement ce que vous dira votre cœur. »

« Je la rassurai en prenant congé d’elle, et il résulta de mes informations que le noble Castillan, habile joueur de guitare et grand rouleur de cigarettes, n’était pas plus fait pour l’industrie qu’un poète lyrique pour la traite des noirs ; qu’il avait constamment périclité dans les deux mondes ; et, en résumé, comme la mauvaise chance entrait au moins pour les trois quarts dans son jeu, je payai les créanciers.

— Et de deux, pour ce dévouement de famille, s’écria Georges spontanément dans un sincère élan d’enthousiasme.