Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/32

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me nomme Marie Alvarès. Vous souvient-il de ce nom-là dans votre famille ?

— En effet, répondis-je après réflexion, du côté maternel, parenté latérale, un peu lointaine, mais réelle.

— Ma mère étant cousine de la vôtre, reprit-elle d’une voix réservée, je me trouve donc un peu votre nièce. Nous avons très longtemps vécu à l’étranger. Moi-même je suis née en mer, aux bercements du navire, dans un voyage au long cours de Liverpool à Valparaiso. Ma mère était trop souffrante pour me donner son lait, et comme il y avait une chèvre à bord, elle fut ma première nourrice : ce qui explique, m’a-t-on dit, mon caractère fantasque.

— Très bizarre, en effet, interrompit Georges d’un ton de surprise enjouée. Absolument comme l’ancien maître des Dieux, dont je comprends aujourd’hui l’humeur capricante ; tu m’y fais songer pour la première fois. Mais, pardon, continue.

— J’abrège mon récit pour ne pas t’ennuyer. Elle me raconta que son père, un Espagnol de race, s’était réfugié à la frontière de France en temps de troubles (on se battra toujours au delà des Pyrénées) ; qu’il avait connu et épousé sa mère à Argelès ; qu’espérant refaire sa fortune, il avait navigué dans l’Inde et les deux Amériques ; qu’en fin de compte, comme un