Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/333

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mort immédiate à mon indifférence, et s’il est coupable, cette légitime folie d’amour est déjà trop cruellement expiée. Et résumant toutes ses réflexions dans cette dernière pensée, Mlle d’Évran courut en hâte chez Mlle Berthe.

Il était nuit… elle frappa… personne… mais par la porte entre-bâillée passait une longue bande de lumière. Elle entra, guidée par cette lumière, suivit un long corridor, et pénétra, sur la pointe du pied, jusqu’à la chambre du fond.

Mlle Berthe était assise dans son grand fauteuil, muette et pleurant, près de l’oreiller de son neveu. Dormant d’un mauvais sommeil, Albert parlait en rêve, et prononçait un nom de femme… le sien… Alise… Alise…

— Toujours ce nom-là, mon pauvre Albert, soupira Mlle Berthe.

L’aveugle n’avait pas encore entendu le pas assoupi de Mlle d’Évran, et se croyait seule. Mais un sanglot mal étouffé d’Alise lui fit dresser l’oreille, et se levant les bras tendus :

— Qui est là ? dit-elle.

Alise prit ses deux mains, la fit se rasseoir, et s’agenouillant devant elle :

— C’est moi… Mlle d’Évran.

Et elle ajouta tout bas :

— Votre fille.

— Ah ! ma chère enfant ! dit la pauvre vieille.