Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/338

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— Le comte Albert de Rhuys !…

— J’apprécie ses rares qualités, sans doute, mais bien mince est sa fortune, vous le savez.

Et il ajouta avec un peu d’hésitation :

— Et la vôtre, y avez-vous songé quelquefois ? Vous êtes-vous préoccupée ?…

— Jamais, dit-elle. Celui à qui j’accorderai l’honneur de ma main me trouvera toujours assez riche pour lui-même. Pour vous personnellement, monsieur, je vous garde religieusement toute ma reconnaissance pour le passé, mais ne vous demande rien pour l’avenir. Je quitterai votre seuil aussi pauvre que vous m’avez prise au berceau.

Et comme elle se levait en regardant la porte, M. Grandperrin se mit devant elle et lui barra le passage. Il n’entendait pas de cette oreille-là. Par un brusque revirement, il se sentait vaincu devant cet inflexible vouloir d’un grand cœur. Le masque de l’homme sérieux fut sillonné de larmes, il prit Mlle d’Évran dans ses bras et lui dit d’une voix qui tremblait :

— Ma chère enfant, que votre volonté soit faite… Dormez en paix cette nuit. Et il la ramena tout ému sous le toit de Germaine, où Mme Grandperrin attendait sa fille.