Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/35

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son trône de mousse. La jeune fille qu’il avait sauvée, devenue femme, lui souriait comme la Joconde dans ce petit cadre ovale à fil d’or.

Sa voix lui resta dans la gorge.

Mais comme, pour sa part, le comte attachait des yeux fort complaisants sur la gracieuse et vivante image, le trouble de Georges lui échappa sans doute, et quand il interrogea du regard le paysagiste :

« Très belle, répondit Georges. Et… tu l’aimes ?

— Je l’aime, oui et non, pas précisément ; je n’en suis pas fou, ce n’est pas du délire ; mais entrée dans ma vie par surprise, elle y est restée comme un enchantement ; et je crois que, si je venais à la perdre, je ne m’en consolerais pas.

— Alors, tu l’aimes profondément, dit Georges d’une voix lente et toute songeuse… » Et un combat terrible se passa dans le cœur du pauvre artiste, qui se trouvait entre l’homme dévoué, l’ami des grands jours, qui l’avait arraché lui-même de l’abîme, et la femme de ses rêves qui lui souriait dans tout le rayonnement de sa beauté ; il allait la revoir sans doute, dans une heure peut-être. Il comprit que, s’il restait, il n’aurait plus la force de partir, et il fallait se décider vite. La lutte fut héroïque. Il triompha ; des perles de sueur froide lui couronnaient les