Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/36

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tempes. « Allons se dit-il, soyons homme. » Et il chercha quel honnête prétexte il pourrait bien inventer pour que son brusque départ eût une apparence de raison.

Il se creusa la tête et crut avoir enfin trouvé. Pour mieux jouer sa grave comédie, il se frappa le front comme au choc d’une idée subite, descendit vivement de son tertre sans mot dire et, d’un air fort préoccupé, s’étira, s’ébroua, étouffa même un petit bâillement, cligna des yeux du côté de sa pique et de son parasol, puis, se plantant droit devant le comte :

« Tous mes regrets, cher ami, mais avec toi j’oublie les heures. Non pas que je veuille en égoïste achever mon esquisse aujourd’hui, mais le soleil baisse, et, pour être en gare avant la nuit, je n’ai pas trop de mes deux jambes.

— Comment, en gare ? tes deux jambes ? répliqua le comte surpris et faisant la moue, tu plaisantes. Tu ne veux pas me donner l’étrenne de ton retour ? Puisque tu as fait tant que de venir jusqu’à mes vieux arbres, reste au moins une semaine ou deux, que j’aie le temps de te reconnaître. Qui t’en empêche et qui te presse ? tu n’as pas, je suppose, quelque diablotin à tes trousses, comme aux ballades du moyen âge. Allons, c’est décidé, tu restes.

— Impossible, répondit Georges avec le plus grand sérieux. Je m’aperçois un peu tard,