Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/42

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barbe, lime à ongles, rasoirs de bonne trempe, ciseaux droits et curvilignes, petits et grands miroirs, savons très onctueux, eaux de senteur où les Flores des Deux Mondes se donnaient rendez-vous, en un mot tout ce qu’il lui fallait pour refaire sa toilette de pèlerin, de sorte qu’il descendit fort présentable à l’heure du dîner.

Ils devaient dîner seuls. Il y avait bien un quatrième couvert, pour une respectable demoiselle de la maison, une sœur puînée de feu Alvarès, que je cite seulement pour mémoire, mais elle fut peu gênante ce-soir-là, ayant dû s’absenter pour une œuvre de charité et pousser à quelques lieues jusqu’à Sainte-Mère-Église, d’où elle devait revenir le lendemain.

Ils dînèrent donc tous trois seuls, et purent deviser librement en toute fantaisie.

Je crois que, parmi les nombreux indigènes de la Manche et du Calvados et même des cinq départements de l’ancienne Normandie (pour ne pas trop élargir notre cercle), on eût trouvé difficilement, dans la sélection humaine, des types aussi accentués que ceux de nos trois personnages, comme richesse intrinsèque d’organisme, et rares produits modernes de notre monde civilisé.

Il avait très belle mine, le paysagiste, avec sa fine barbe rousse en éventail, comme les