Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/43

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aimait notre cher et regretté Ricard, petit-fils du Titien, né par erreur sous notre latitude ; mais ce qu’il avait de particulièrement remarquable, c’était l’œil : l’iris, brun comme une goutte de café noir, était sablé de points d’or, et le regard, sérieux et recueilli, avait une longue portée comme ceux des marins, des rêveurs et des fauves, habitués à embrasser d’un coup d’œil de grands espaces de mer ou de ciel. Pour avoir longtemps vécu dans les sables d’Égypte, il avait gardé dans l’œil un vague reflet du désert, et quand le regard s’animait sous une paupière frangée de longs cils, il y avait là du velours et du feu. A l’appui du regard la parole était vive, ardente, colorée, tout en images comme les versets de la Bible et les récits des conteurs orientaux. A son insu, Marie Alvarès subissait le charme étrange de ses regards et vibrait aux sons purs de ses paroles magiques.

Elle était vêtue simplement d’une robe vert pâle, garnie de dentelles noires, dont le corsage échancré carrément faisait singulièrement valoir la jeune femme épanouie dans son luxe de beauté. Le cou, d’une blancheur mate, était merveilleux d’inflexions aux moindres caprices de la pensée ; et, aux torsades opulentes de sa chevelure, on comprenait qu’à la rigueur elle aurait pu s’en habiller comme Ève ; sa voix