Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/44

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musicale était grave comme un son d’orgue ou caressante comme une prière de petite fille.

Le comte, dont vous connaissez déjà le portrait, fut comme toujours affable et spirituel, doué de la rare faculté de savoir bien écouter, très sobre d’interruptions, fort heureux d’assister à cette paisible fête de l’intelligence où le cœur entrait pour une grande part, nullement fâché d’ailleurs de réchauffer son flegme un peu britannique à cette ardente causerie dont Georges et Marie faisaient à eux deux presque tous les frais. C’est réellement tout un monde que la conversation intime d’un artiste bien doué, qui voit juste, apprécie bien et trouve la plus belle des langues, la nôtre, pour traduire en notes rapides et colorées tout son flux pittoresque de riches pensées inattendues.

Bien que d’un ton fort réservé, Marie Alvarès fut très curieuse au fond, comme sans doute elle se croyait en droit de l’être ; nerveuse, inquiète, incisive, interrogeante, elle multiplia les questions sur tous les points, serrée d’arguments comme un réquisitoire ; elle voulut tout savoir de sa vie, surtout après son départ d’Alexandrie, depuis trois années, époque de ses dernières nouvelles au comte de Morsalines, son meilleur ami. Comme Georges n’avait rien à cacher, ni rien à inventer, ses explications furent toutes naturelles. Il raconta qu’à son