Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/49

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vivant dans une île fleurie, où commença pour eux l’éternité des plus saintes joies permises, comme dans une féerie de l’Ancien Testament.

Le sommeil de Georges le conduisit, par des chemins de traverse, au palais de la Belle au bois dormant. La difficulté n’était pas d’y entrer, mais, cette fois, d’en sortir. D’antiques forêts sans issues, hautes comme des flèches de cathédrales, en défendaient les abords, et de la dernière fenêtre on n’apercevait ni la campagne, ni la mer. Georges essayait de fuir, mais ses jambes se dérobaient, et dans un palais diaphane, en costume de cérémonie, sur un grand lit de parade, une jeune et belle dormeuse, la fiancée de son meilleur ami, lui souriait, les yeux fermés, l’apercevant fort bien à travers ses paupières closes, et il entendait sa pensée lui dire clairement : « Pas d’efforts inutiles, tu ne partiras plus. »

Pour le comte, il rêva tout naturellement de son prochain mariage (Georges étant son témoin), et de longues années d’un bonheur paisible, où toute une lignée de petits Morsalines, élevés dans les traditions du père, vivaient en protecteurs intelligents des beaux-arts, comme une vraie filière moderne de Médicis, par un heureux anachronisme, dans notre siècle de fer anglo-américain.

Georges fut sur pied de grand matin et