Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/54

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en femme assez forte pour tenir tête aux éventualités les plus désespérantes.

Elle commença presque sur le ton de l’indifférence.

« Vous m’avez bien reconnue, n’est-ce pas ? » dit-elle, ses yeux d’un vert sombre interrogeant les siens.

D’un signe de tête affirmatif, Georges répondit aussitôt, comme si l’ombre d’un doute l’eût gravement injurié.

« Et, continua-t-elle, vous n’avez pas songé un seul instant que cette petite fille, devenue grande depuis, dont vous avez sauvé la vie au péril de la vôtre, pourrait en conserver quelque gratitude, et serait peut-être un jour… heureuse de vous l’exprimer ?

— Ce que j’ai fait était fort simple, très naturel, et tout autre à ma place…

— En eût fait autant, vous croyez ? répliqua-t-elle, un peu désappointée. Alors, en sauvant cette jeune fille vous n’avez obéi qu’à un mouvement de commisération banale. Vous l’avez secourue comme toute autre baigneuse anonyme en détresse, ne vous préoccupant que d’un facile devoir accompli.

— Non, certes, se récria vivement l’artiste, et j’aurais donné tout le sang de mes veines pour préserver des injures de la mer une seule boucle de sa chevelure.