Page:Lemoyne - Poésies - 1873.djvu/111

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Par contre, la deuxième, étant sèche, menue,
Avait poussé tout droit, d’une seule venue ;
Le froid visage maigre offrait les tons jaunis
Des cierges qui, n’ayant jamais été bénits,
Oubliés dans un coin obscur de sacristie,
Ne brûlèrent jamais pour éclairer l’hostie.
Sans pousser une plainte et sans se reposer,
Elle avait de longs jours vécu de son aiguille.
A la voir, on sentait que jamais un baiser
N’avait épanoui sa pauvre chair de fille.
L’œil donnait le frisson ; le regard, bleu d’acier,
Comme un reflet d’hiver s’échappait d’un glacier.
L’âge avait buriné sur les coins de sa bouche
Deux grands plis effrayants d’égoïsme farouche,
D’un égoïsme étroit, implacable, brutal,
Qui jamais au bonheur des autres ne pardonne.
Malade une ou deux fois, la revêche personne,
Ne voulant pas coucher dans un lit d’hôpital,
Ebréchait son épargne au fond de son armoire.
(Pour tant de laiderons voués au célibat,
La vie est un obscur et terrible combat
Dont les grands écrivains ne savent pas l’histoire.)
Le chômage avait pris le reste de son gain.
Robe verte jadis, un long fourreau de serge
Drapait les angles droits de cette antique vierge,