Page:Lenéru - Saint-Just, 1922.pdf/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
SAINT-JUST

quand nous demandons grâce. Oui, nous sommes pitoyables ; mais ne prétendons pas l’être au nom de la justice ! Punir et venger, telle est, en justice, la fonction dont hypocritement nous voulons faire absoudre et compenser. Dans les balances éternelles le crime se punit et la vertu se venge, nul autre avantage, nulle autre satisfaction. Demander à la justice autre chose qu’elle-même, le bonheur, par exemple, n’a rien de commun avec son culte. La Justice, pas plus que la Religion, n’est un rapport humain, elle ne traite d’homme à homme que par contingence et, pour ainsi dire, par corruption. La Justice est rapport de l’homme à l’Idée, et sa plus grande erreur, sa plus grande cruauté envers lui-même est, pour l’homme, d’en appeler à la Justice. Car « la Justice n’est pas clémence, elle est sévérité[1] ».

Au reste c’était un jeune homme d’une réserve et d’une modestie parfaites : « Je suis très jeune, mais parce que j’étais jeune il m’a semblé que j’en étais plus près de la nature[2]. » À lui-même Saint-Just est toujours apparu sous l’aspect de l’ingénuité la plus virginale. Il s’est peu vanté, mais quand il lui arrivait de le faire, il parlait

  1. 8 ventôse.
  2. Esprit de la Révolution. Préface.