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SAINT-JUST

De l’énergie il connut toutes les formes, les initiatives et les achèvements. Il sait même attendre et surseoir. Il est maître de lui, moins cependant qu’on ne l’a cru. Ce qu’on a pris chez cette nature violente pour du sang-froid semble avoir été d’abord les formes d’une hauteur singulière et d’un dédain prématurément averti. Car, en orgueil, il est un maître et qu’on ne dépassera pas. Il a reculé les bornes de la hauteur humaine et rendu bien difficile d’être orgueilleux après lui. Jusque dans sa raideur et sa beauté physique, il fut magnifiquement le porte-orgueil d’un parti : « Dans le péril de la patrie, dans le degré de majesté où vous a placé le peuple, marquez la distance qui vous sépare des coupables[1]. » Et même d’une nation : « Le peuple français partout vainqueur ordonne à sa représentation de prendre place au premier rang des puissances humaines. »

Mais il connut mieux que la hauteur : il connut le dédain. Saint-Just a ressenti les vanités de ce monde, il s’en est dépris comme on le faisait à Port-Royal. M. Aulard, en le lisant, a fort bien pensé à Pascal. Aussi avancé dans le mépris de ce qui passe, son détachement de ce qui ne dure

  1. Desmoulins et Danton.